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Amnésie
by Sbeu on jan.07, 2016, under Crobards
Pas trop de temps pour faire l’article d’une traite donc je vais le faire incrémentiellement, comme les compte rendus longs.
Athreeren m’ayant relancé au bas de mon post précédent sur l’amnésie en tant qu’outil narratif et les conditions dans lesquelles c’est un procédé acceptable ou non, je m’en vais vous livrer quelques détails totalement subjectifs sur ce grave problème.
Pour commencer, documentons nous à la source : Tv Tropes (et là aussi).
C’est bon, vous avez perdu trois heures à suivre des liens ? Ok, revenons à nos moutons.
Comme dit dans les liens, l’amnésie est un outil narratif qui a été utilisée fort souvent, est souvent évitable et par conséquent, ressemble facilement à un procédé de facilité de la part de l’auteur.
Tout le monde a entendu au moins une fois que l’amnésie, dans la vraie vie, ça marche pas comme chez Jason Bourne et on est donc globalement sensibilisé au fait qu’il s’agit d’une astuce scénaristique.
Par conséquent, c’est quelque chose qui nuit à l’immersion et à la suspension volontaire d’incrédulité car ça nous rappelle que derrière toute amnésie, il y a un scénariste (fainéant) qui se cache.
Avant d’approfondir la question, on peut se demander pourquoi c’est un procédé si utilisé si l’astuce est éventée. Ben tiens, c’est parce que c’est vachement pratique…
L’amnésie permet d’atteindre facilement deux objectifs.
- Un but d’exposition : Le protagoniste auquel on s’identifie est aussi peu au courant des détails de l’univers dans lequel il vit que le spectateur et ça semble légitime qu’il pose des questions à son entourage sur des choses qu’il devrait savoir s’il avait un tant soit peu de mémoire. Ça évite des scènes d’exposition super bizarre où quelqu’un explique des choses que tous les personnages savent, rendant totalement déplacée l’explication… Mais ça reste aussi une grosse solution de facilité. Pour atteindre cet objectif, il y a toujours des moyens souvent plus percutants (faut se rappeler le bon vieux principe du « Show, don’t tell ») qui rendent superflues la majorité des scènes d’exposition. Bref, l’amnésie, c’est tricher et en plus c’est finalement assez maladroit.
- Un but d’introspection : La raison un peu plus légitime d’utiliser l’amnésie comme processus narratif est que le personnage n’est pas seulement ignorant de ce qui l’entoure, il est aussi ignorant de sa propre personnalité et de ses actions passées, l’amenant à mener l’enquête sur lui même (je sais… ça marche pas comme ça en vrai, blablabla). Ça peut être très bien exploité (Memento)… mais c’est rare et c’est souvent assez facile de briser la suspension d’incrédulité quand même.
Par ailleurs, même si c’est intéressant pour un personnage de découvrir que ses actions passées ne correspondent pas avec ça personnalité actuelle, cela n’est pas forcément nécessaire et on peut aussi faire découvrir au spectateur qu’un personnage repenti a honte de son passé. A mon avis, le spectaculaire du choc et le suspense de l’enquête ne valent pas souvent le coup par rapport au développement du personnage possible s’il est conscient de son passé. On gagne un tout petit peu en capacité d’identification au personnage (l’empathie n’est pas dirigée exclusivement au profit des amnésiques, sinon, autant dire que ça ne servirait pas beaucoup) mais on perd systématiquement beaucoup en crédibilité et on risque de se fermer pas mal de portes.
A noter qu’un moyen de contourner ce prémisse narratif est de faire mener l’enquête par le protagoniste sur son propre futur (Minority Report). Auquel cas, on a un personnage paumé, enquêtant sur lui même tout en ayant tous ses souvenirs. Le beurre et l’argent du beurre.
Bien bien… Du coup, partant de ce constat, comment l’amnésie serait-elle plus légitime dans du jeu de rôle narrativiste sans préparation ?
Le point important, c’est le terme « sans préparation ». Le système de ces jeux est intégralement conçu pour fournir une structure permettant de cadrer et fluidifier la construction d’une histoire. Ici, le spectateur et le scénariste sont la même personne et le système entier est fait pour qu’une dizaine de minutes permettent de rentrer dans le vif. Par nature, le conteur/scénariste/spectateur n’a aucune connaissance de ce qui va se passer, juste une petite idée de la direction dans laquelle l’histoire va aller. Il a le pitch de l’histoire mais pas le synopsis. La possibilité d’identification est d’autant plus renforcée qu’il est acteur autant que témoin des scènes qui se construisent et dans les faits, il est exactement dans la situation de l’amnésique puisqu’il découvre le cadre et son propre passé durant la partie. Evidemment, il faut jouer le jeu car si le joueur réfléchit à l’avance et commence à se créer un background en amont, on perd l’effet d’immersion pour retomber dans les limites énoncées précédemment.
Du coup, je pense que l’amnésie devient un procédé narratif fonctionnel pour les joueurs.
Au contraire, dans un film/roman ou autre œuvre dramatique, le spectateur est consommateur de contenu et est conscient qu’il s’agit d’une fiction, travaillée par un scénariste. Il sait que l’histoire a été préparée et l’emploi de solutions de facilité brise sa propre immersion dans l’histoire. Et là, je sais ce que vous allez me dire : du coup, ton compte rendu est tout pourri, parce que moi, je suis lecteur et pas acteur de ta partie et que tes histoires d’amnésiques… j’arrive pas à rentrer dedans. Et c’est tout à fait légitime. Un compte rendu de partie sera toujours moins intéressant pour les lecteurs que pour les acteurs et je pense que si le JdR narrativiste est satisfaisant et donne l’impression de construire de bonnes histoires, c’est surtout à ses joueurs pour des raisons d’implication et de timing de construction. Le lecteur du compte rendu n’a pas ce lien personnel à l’histoire et sera moins impliqué émotionnellement dedans.
Il faut aussi noter que ce procédé reste une grosse ficelle même dans le cadre du JdR. Des systèmes narrativistes qui fonctionnent, il y en a plein et même si un certain nombres partent du prémisse de l’amnésie, cela reste une minorité.
Pour conclure, j’ai envie de dire que l’astuce de l’amnésie fonctionne mieux en JdR qu’ailleurs pour permettre une implication émotionnelle des participants, ce qui est un des buts du jeu. Les joueurs passent donc facilement un bon moment ou au moins une partie intéressante. Ce n’est pas pour ça que l’histoire qui en résulte est nécessairement bonne puisque, vue de l’extérieur, elle présente exactement les mêmes défauts qu’une histoire d’amnésiques classique.
Cette discussion se poursuit dans les commentaires que je vous invite vivement à suivre pour plus de détails sur le sujet.
Sans aucun lien histoire de ne pas remplir mon tag « Text Only »
C’est marrant parce qu’à l’époque où je jouais à Donj’ je ne jurais que par l’arc long composite et l’épée à deux mains (bigger is better). Si j’avais à recréer un perso, je pense que j’opterais maintenant pour une petite arbalette à main (quand il y a un tout petit peu trop de distance), une lance ou un Naginata (pour garder l’ennemi loin), une dague qui sert aussi de couteau pour la cuisine en dernier recours et pour les boyaux étroits (s’applique à la topologie du donjon et à l’anatomie de l’adversaire) et de la magie.
Maintenant, je penserais aussi à emporter cordes, sac de couchage et une quantité raisonnable de bouffe et de torches. Comme quoi, avec l’âge, je crois de je ne claquerais pas tout mon pognon chez l’armurier et un peu plus au magasin général…